07 – Du berger au chef de gare : une chaîne de solidarité hétérogène

 

La réussite d’une évasion se mesure toujours à l’aune de dizaines de volontaires. Aventure humaine dangereuse et exigeante, l’évasion par-delà les cimes enneigées des Pyrénées nécessite une solide organisation, des effectifs dans lesquels on place une confiance absolue, ainsi qu’une hiérarchie et une spécialisation respectées. Chaque acteur de l’évasion, quel que soit son poste, ses responsabilités et ses prises de risques, constitue donc un maillon essentiel de la chaîne.

Qu’il s’agisse de simples conseils ou orientations délivrés aux évadés – l’itinéraire des évadés est jalonné par des bergers qui renseignent les passeurs sur la présence des patrouilles allemandes – ou d’héberger et de ravitailler les fugitifs, ces « petites mains de l’ombre » s’exposent à des risques terribles, dans la mesure où elles constituent le premier maillon de la chaîne des évadés, et donc sont plus facilement identifiables, comme l’a démontré Benoît Laulhe. En effet, elles représentent une cible privilégiée pour les dénonciateurs et autres agents allemands qui se font passer pour des candidats. Très conscients de ces risques qui se soldent souvent de manière dramatique, les résistants deviennent en conséquence plus méfiants et prudents face aux sollicitations trop directes et
suspectes.

Zoom sur : trois figures de l’ombre

  • Armande Lasserre, cafetière de Saint-Martre, est agent du réseau Françoise. Dernière étape pour les évadés avant la traversée, elle les loge dans son hôtel et
    confectionne les « musettes de ravitaillement » avec la complicité de commerçants locaux. Dénoncée à la Gestapo en mai 1944, elle subit un interrogatoire si violent qu’elle
    doit être évacuée à la clinique de Saint-Gaudens dans un état alarmant. C’est ce qui lui évite d’être déportée.
  • Emile Verdier, chef de gare à Saléchan : né en 1891 à Sauveterre, il se rallie dès la première heure à la cause de la Libération. Son dossier administratif conservé au SHD de Vincennes le décrit comme « spécialement en charge du passage en Espagne des patriotes et agents de réseaux Français et étrangers persécutés ou recherchés par la police ennemie ou celle de Vichy, a assuré toutes ses missions de passage de frontière avec un courage et un cran magnifique qui ont fait l’admiration de tous ses camarades de lutte et de combats. Dénoncé, traqué par la Gestapo, a déjoué le 2 janvier 1944 un piège tendu à son domicile (…), a pu s’échapper et rejoindre le maquis. (…) »
  • Sophie Bacaria : fille d’un républicain espagnol réfugié, Sophie accomplit quasi quotidiennement des allers-retours de part et d’autre de la frontière pour ravitailler sa mère restée en Espagne. Au cours de ses traversées, elle emporte toujours un surplus de nourriture dans l’éventualité d’une rencontre avec des évadés. De même, elle en héberge à son domicile de Saint-Béat malgré les risques encourus, accrus par sa situation irrégulière d’émigrée.

Del pastor al jefe de estación : una cadena de solidaridad heterogénea

El éxito de una evasión se mide siempre por decenas de voluntarios. Aventura humana peligrosa y exigente, la evasión más allá de las cumbres nevadas de los Pirineos necesita una sólida organización, efectivos en los que se deposita una confianza absoluta, así como una jerarquía y una especialización respetadas. Por lo tanto, todos los actores de la evasión, independientemente de su cargo, sus responsabilidades y sus tomas de riesgos, constituyen un eslabón esencial de la cadena.

Al dar simples consejos u orientar a los fugitivos – el itinerario es jalonado por pastores que informan a los pasadores sobre la presencia de las patrullas alemanas – al alojarlos y abastecerlos, estos « obreros de la sombra » se exponen a tremendos riesgos ya que constituyen el primer eslabón de la cadena de los evadidos, y por lo tanto son más fácilmente identificables, como lo ha demostrado Benoît Laulhe. En efecto, representan un blanco privilegiado para los delatores y otros agentes alemanes que se hacen pasar por candidatos. Muy conscientes de estos riesgos, que a menudo se saldan de manera dramática, los resistentes se vuelven más desconfiados y prudentes frente a las solicitaciones demasiado directas y sospechosas.

Zoom en : tres figuras de la sombra

  • Armande Lasserre, dueña de un bar de Saint-Martre, es agente de la red Françoise. En la última etapa antes de la travesía, aloja a los evadidos en su hotel y prepara los morrales con la complicidad de comerciantes locales. Denunciada a la Gestapo en mayo de 1944, es interrogada con tanta violencia que debe ser evacuada a la clínica de Saint Gaudens en un estado alarmante. Eso le evitará ser deportada.
  • Emile Verdier, jefe de estación en Saléchan: nacido en 1891 en Sauveterre, se une desde la primera hora a la causa de la Liberación. Su expediente administrativo conservado en el SHD de Vincennes lo describe como  » responsable del paso a España de los patriotas y agentes de redes franceses y extranjeros perseguidos o buscados por la policía enemiga o la de Vichy, aseguró todas sus misiones de pasos fronterizos con tanto valor y tanta energía que despertó la admiración de todos sus compañeros de lucha y combates. Denunciado y perseguido por la Gestapo, el 2 de enero de 1944 pudo descubrir una trampa urdida en su domicilio (…), escapar e incorporarse a los maquis. ( … ) « 
  • Sophie Bacaria : hija de un republicano español refugiado, Sophie efectúa casi a diario viajes de ida y vuelta a ambos lados de la frontera para abastecer a su madre que vive en España. Durante sus travesías, siempre lleva un excedente de comida en caso de encontrarse con fugitivos a los que aloja en su domicilio de Saint Béat a pesar de los riesgos que corre, acrecentados por su situación irregular de emigrante.

From shepherd to station manager : a heterogeneous chain of solidarity.

The success of an escape is always measured by the number of volunteers. As a dangerous and challenging human adventure, the escape over the snowy peaks of the Pyrenees requires a solid organisation, people in whom absolute confidence is placed, as well as a respected hierarchy and specialisation. Each person involved in the escape is an essential link in the chain whatever their position is, their responsibilities and the risks taken. 

Whether it is a question of simple advice or guidance given to the escapees – shepherds on the escapees’s road who inform the smugglers of the presence of German patrols – or to host and supply the fugitives, these « hidden hands » are exposed to terrible risks. They constitute the first link in the escape chain, so they can be easily identified, as Benoît Laulhe has shown. As a matter of fact, they represent a target for whistleblowers and other German agents who pretend to be candidates. Highly aware of these risks, which often end in tragedy, the resistance fighters became more wary and cautious when faced to direct and suspicious solicitations.

Focus on: three hidden figures

  • Armande Lasserre, a coffee maker from Saint-Martre, is an agent of the Françoise network. Last stop for the escapees before the crossing, she houses them in her hotel and makes the « supply bags » with the help of local shopkeepers. Denounced to the Gestapo in May 1944, she was interrogated so violently that she had to be evacuated to the clinic of Saint Gaudens in an alarming state. This is what saved her from being deported.
  • Emile Verdier, station manager at Saléchan: born in 1891 in Sauveterre, he rallied to the cause of the Liberation from the beginning. His administrative file kept at the historical defence service (SHD in French) in Vincennes describes him as « especially in charge of the passage to Spain of patriots and agents of French and foreign networks persecuted or sought by the enemy or Vichy police. He carried out all his border crossing missions with great courage and guts which led to the admiration of all his comrades in struggle and combat. Denounced and hunted down by the Gestapo, he foiled a trap set at his home on 2 January 1944 (…), escaped and joined the maquis. (…)
  • Sophie Bacaria : daughter of a Spanish republican refugee, Sophie makes almost daily trips accross the border to supply her mother who remained in Spain. During her crossings, she always carries extra food in case she encounters escapees. She also houses some of them at her home in Saint Beat despite the risks involved, which are increased by her irregular situation as an imigrant.