09 – Une traversée du Col de Burat dans la douleur (2/2)

 

Il est onze heures en ce 26 octobre 1943. Le groupe progresse désormais dans une véritable tempête de neige : 50 centimètres se superposent aux 50 cm tombés la veille ! Malgré les difficultés, les fugitifs arrivent à franchir le premier pic, mais le sommet du Burat est encore loin.
La neige continue à tomber dru : on ne voit pas à deux mètres ! Les membres sont gelés, les cils, les cheveux et les vêtements collés par le froid et le givre.
Les trois femmes et la fillette souffrent particulièrement : elles sont en robes légères, chaussures basses, espadrilles même pour l’une d’elles, bas de rayonne, et ne sont nullement équipées pour une telle randonnée.

Soudain Josette s’effondre, évanouie, à bout de force. Fort heureusement, un médecin fait partie du groupe et la ranime. Mieux, il lui fournit une culotte de ski dont il a eu la sagesse de se munir. Mais la petite est épuisée, et c’est dans les bras du passeur Bordes qu’elle continue son chemin.
Vers 13h, Paulette, la maman de Josette, perd ses chaussures. Il est impossible de lui remettre tant ses pieds ont enflé. Elle est obligée de continuer sa progression en bas, dans la neige. Bien que faisant preuve d’un incroyable courage, elle s’effondre à nouveau. Malgré ses supplications – elle ne souhaite pas retarder le reste du groupe –, les hommes se relaient pour la soutenir et la traîner jusqu’à ce qu’elle reprenne des forces. Paul et Jean sont de ceux-là.

Le groupe s’est désormais scindé en deux. Les plus rapides ont en effet pris de l’avance, si bien que ceux restés en arrière perdent rapidement leur trace dans la tempête. Le moral est au plus bas, et les passeurs sont très pessimistes quant aux chances de survie des femmes.

Un peu plus loin, nouveau coup dur : le chemin est obstrué par un éboulement de rochers. Doit-on faire demi-tour ? Le groupe réussit à se frayer un passage parmi la roche glissante qui surplombe un vertigineux ravin. Puis, une excavation se présente : à nouveau, il s’agit de se faufiler malgré tous les dangers. Ecoutons Paul témoigner : « Parfois nous sommes suspendus au-dessus du vide, simplement accrochés à un bout de glace ou à une touffe d’herbe fébrilement recherchée sous la neige. Soudain Jean glisse et je crie à ceux qui sont plus bas d’essayer de l’arrêter. Par bonheur, son sac à dos s’accroche à une aspérité rocheuse et stoppe sa chute. Quelle frayeur ! Nous venons de vivre un quart d’heure de véritable cauchemar ! »

Soudain, des voix et des pleurs dans la montagne se font entendre. Guidés par ces bruits, le groupe arrive à une cabane de berger. Il y retrouve le deuxième groupe, sain et sauf ! Quel soulagement ! Néanmoins, les passeurs demeurent soucieux. Les conditions climatiques sont trop périlleuses, et ce serait de l’inconscience que de continuer. Ils proposent de faire demi-tour, mais les évadés refusent à l’unanimité. Une nuit de repos s’ensuit dans la cabane.
Lorsque le petit jour point, les passeurs se rendent compte que la frontière espagnole a été franchie, et que le groupe est arrivé non pas à Bausen, mais à proximité du petit village de Lès.

Zoom sur : une enfant dans la tourmente

Josette est âgée d’à peine douze ans lorsqu’elle entame la traversée du Mont Burat. Très éprouvée physiquement et moralement lors de ce périple, elle nous livre un témoignage poignant de son parcours, entre naïveté juvénile face à une aventure qu’elle imagine formidable et désillusions devant les conditions extrêmes de la traversée.
Son récit constitue un témoignage bouleversant car il rappelle qu’à l’instar de nombres d’adultes, les enfants ne furent pas exempts des ravages de la guerre.

Una travesía dolorosa del paso de Burat (2/2)

Son las once del 26 de octubre de 1943. El grupo camina ahora bajo la ventisca : ¡ 50 centímetros cubren los 50 cm caídos el día anterior ! A pesar de las dificultades, los fugitivos logran cruzar el primer pico, pero la cumbre del Burat todavía está lejos.
La nieve sigue cayendo fuerte: ¡ no se ve nada ! Las extremidades están congeladas y las pestañas, el pelo, la ropa pegados por el frío y la escarcha.
Las tres mujeres y la niña son las que sufren más: llevan vestidos ligeros, zapatos bajos, incluso alpargatas para una de ellas, medias de rayón, y no están equipadas para tal caminata.

De repente Josette, agotada, cae desmayada. Afortunadamente, un médico que forma parte del grupo la reanima. Mejor aún, le da pantalones de nieve que tuvo la sensatez de llevarse. Pero la pequeña está agotada y continúa en brazos del pasador Bordes.
Sobre las 13h, Paulette, la madre de Josette, pierde sus zapatos. Es imposible ponérselos de nuevo ya que se le han hinchado los pies. Tiene que andar en medias en la nieve. Aunque ha demostrado tener mucho valor, vuelve a desplomarse. A pesar de sus súplicas- no desea retrasar al resto del grupo- los hombres se relevan para ayudarla y arrastrarla hasta que recobre fuerzas. Entre ellos Paul y Jean.

Ahora el grupo se ha dividido en dos. Los más rápidos están por delante, de modo que los que quedan atrás pierden rápidamente sus huellas en la tormenta. La moral está en su punto más bajo y los pasadores son muy pesimistas en cuanto a las posibilidades de supervivencia de las mujeres.

Un poco más lejos, un nuevo golpe : el camino está obstruido por un desprendimiento de rocas. ¿ Deben dar la vuelta ? El grupo consigue abrirse paso entre la roca resbaladiza que domina un vertiginoso barranco. Luego, se presenta una excavación : una vez más, se trata de colarse a pesar de todos los peligros. Escuchemos el testimonio de Paul : « A veces estamos colgados sobre el vacío, simplemente agarrados a un trozo de hielo o una mata de hierba febrilmente buscada bajo la nieve. De repente, Jean resbala y yo les grito a los que están más abajo que intenten detenerlo. Afortunadamente, su mochila se engancha a una aspereza rocosa y detiene su caída. ¡ Qué miedo ! ¡ Acabamos de vivir unos momentos de verdadera
pesadilla !  »

De repente, se oyen voces y llantos en la montaña. Guiado por estos ruidos, el grupo llega a una cabaña de pastores. Allí encuentra al segundo grupo, ¡ sano y salvo ! ¡ Qué alivio ! Sin embargo, los pasadores siguen preocupados. Las condiciones climáticas son demasiado peligrosas, y sería una locura continuar. Proponen dar la vuelta, pero los fugitivos se niegan a hacerlo por unanimidad y pasan una noche de descanso en la cabaña.
Al despuntar el día, los pasadores se dan cuenta de que la frontera española ha sido cruzada y que el grupo no ha llegado a Bausen sino cerca del pueblecito de Lès.

Zoom en : una niña en la agitación

Josette tiene apenas doce años cuando emprende la travesía del Monte Burat. Agotada física y moralmente con este periplo, nos entrega un testimonio conmovedor de su recorrido, entre ingenuidad juvenil frente a una aventura que imagina extraordinaria, y desilusiones ante las condiciones extremas de la travesía.
Su relato constituye un testimonio conmovedor y recuerda que, al igual que muchos adultos, los niños no se libraron de los estragos de la guerra.

A painful crossing  of the Burat mountain pass (2/2)

It is eleven o’clock on October 26, 1943. The group is now progressing in a real snow storm: 50 cm are added to the 50 cm that fell the day before! In spite of the difficulties, the fugitives manage to cross the first peak, but the summit of Burat is still far.
The snow continues to fall hard: we can’t see two meters away! The limbs are frozen, the eyelashes, the hair and the clothes are stuck by the cold and the frost.
The three women and the little girl are particularly suffering: they are in light dresses, low shoes, espadrilles even for one of them, stockings, and are not at all equipped for such a hike.

Suddenly Josette collapses, fainting, exhausted. Fortunately, a doctor is part of the group and revives her. Better still, he provides her with a pair of ski underwear that he had been wise enough to bring with him. But the little girl is exhausted, and it is in the arms of the people smuggler, Bordes, that she continues her journey.
Around 1:00 pm, Paulette, Josette’s mother, loses her shoes. It is impossible to put them back on because her feet are so swollen. She is forced to continue her progress down in the snow. Although she shows incredible courage, she collapses again. Despite her pleas – she does not wish to delay the rest of the group – the men take turns to support her and drag her until she regains her strength. Paul and John are among them.

The group has now split in two. The fastest ones have indeed taken the lead, so much so that those who stayed behind quickly lose their trace in the storm. The morale is at its lowest, and the smugglers are very pessimistic about the chances of survival of the women.

A little further on, another hard blow: the path is blocked by a rock fall. Should we turn back? The group succeeds in clearing a passage among the slippery rock which overhangs a vertiginous ravine. Then, an excavation presents itself: once again, it is a question of finding a way through despite all the dangers. Let’s listen to Paul’s testimony: « Sometimes we are suspended above the void, simply clinging to a piece of ice or to a tuft of grass feverishly sought after under the snow. Suddenly Jean slips and I shout to those below to try to stop him. Luckily, his backpack catches on a rocky asperity and stops his fall. What a fright! We have just lived a fifteen minute nightmare!”

Suddenly, voices and cries in the mountain are heard. Guided by these noises, the group arrives at a shepherd’s hut. There they find the second group, safe and sound! What a relief! Nevertheless, the smugglers remain worried. The climatic conditions are too perilous, and it would be unsafe to continue. They suggested turning back, but the escapees unanimously refused. A night of rest follows in the hut.
When daybreak comes, the smugglers realize that the Spanish border had been crossed, and that the group had arrived not in Bausen, but near the small village of Lès.

Focus on: a child in turmoil

Josette is barely twelve years old when she begins the crossing of Mount Burat. She is physically and morally exhausted during this journey, and she gives us a poignant testimony of her journey, between youthful naivety in front of an adventure that she imagines to be formidable, and disillusionment with the extreme conditions of the crossing.
Her story is a moving testimony because it reminds us that, like many adults, children were not exempt from the ravages of war.